Soif – Amélie Nothomb (à l’eau)

Retour à l’adolescence ?! je n’avais pas lu d’Amélie Nothomb depuis l’enchaînement Hygiène de l’assassin, Stupeur et tremblements, Métaphysique des tubes, Cosmétique de l’ennemi, c’est dire si ça date ! Au point même que je ne me souviens ni des histoires respectives ni si j’avais aimé ou pas ! De mémoire, le seul truc qui m’avait plu c’était de pouvoir lire 4 livres en si peu de temps, tellement ils étaient petits !! Et la semaine dernière, ma tante me prête Soif. J’en avais entendu parler à la télé et j’avais trouvé l’idée originale et novatrice. Ce qui est sur, c’est que ça se lit toujours aussi vite ! Très bon pour l’ego du lecteur !!!

L’histoire : Assez vite résumée : la Passion du Christ racontée par lui-même. Voiloooooooou !!! Ça commence à la fin de son procès, et s’achève après sa « Résurrection ».

Un extrait pour l’ambiance :

Si je me suis tant manifesté auprès de ceux que j’aime, c’était davantage pour honorer le message de mon père que par besoin profond. Ce doit être une autre différence notoire avec l’état de vivant : l’amour n’engendre plus une telle nécessité de contact. Surtout si la séparation ne s’est pas faite dans le malentendu ou la crise. Je ne doute pas de l’amour de Madeleine, je sais qu’elle ne doute pas du mien : pourquoi multiplier les rencontres ? Ce qui est vrai pour elle l’est a fortiori pour les autres.

Il ne s’agit pas de froideur. C’est de la confiance. J’ai été ému, bien sûr, de retrouver certains de mes disciples et amis. Leur bonheur de me voir en si bonne forme a rejailli sur moi. Quoi de plus naturel ? Pourtant, en vivant ces moments de fête, j’avais hâte qu’ils se terminent. Cet excès de tension m’était un peu pénible. J’avais envie de paix. Je sentais que mes amis étaient très en demande et j’essayais d’y répondre. C’était pour eux et non pour moi.

Si vous reprochez à votre cher disparu de ne pas se manifester, n’oubliez pas que c’est vous qui avez besoin de lui et non l’inverse. Quand on aime vraiment quelqu’un, exige-t-on qu’il se sacrifie pour nous ? La plus belle preuve d’amour que l’on puisse offrir à l’aimé n’est-elle pas de lui permettre de se livrer à l’égoïste tranquillité ? Cela demande moins d’efforts qu’on ne le croit, juste de la confiance.

En vérité, si votre défunt bien-aimé se tait, réjouissez-vous. C’est qu’il est mort de la meilleure manière. C’est qu’il vit bien sa mort. N’en déduisez pas qu’il ne vous aime pas. Il vous aime de la plus merveilleuse façon : en ne se forçant pas à faire pour vous une contorsion déplaisante.

Il est doux d’être mort. Revenir vers vous est fastidieux. Imaginez : l’hiver, vous êtes couché sous la couette, dans le délice du repos et de la chaleur. Même si vous chérissez vos amis, avez-vous envie de sortir dans le froid pour le leur dire ? Et si vous êtes l’ami, voulez-vous réellement contraindre celui qui vous manque à affronter l’inconfort des frimas pour vous rassurer ?

Si vus aimez vos morts, faites-leur confiance au point d’aimer leur silence.

L’auteur : On ne la présente plus. Amélie Nothomb.

Elle est née en 1966 et elle est belge (ce qui n’est pas une tare, mais situe juste un peu). Elle a déjà publié pas mal d’œuvres, et j’entendais l’autre jour en interview qu’elle ne publiait qu’une infime partie de tout ce qu’elle écrivait, que le point final d’un livre constituait quasi la majuscule de départ de l’autre ! Physiquement elle ne passe pas inaperçue non plus, a t elle créé un personnage facilement identifiable et vendable, ou bien est ce vraiment elle, je ne sais pas mais ce qui est sur c’est que ça fonctionne ! Je sais également qu’elle semble très accessible, pour avoir vu comme elle accueille ses lecteurs et fans lors des salons du livre. Bref, si on disait loufoque, torturée, mais sympa, ça pourrait sans doute brosser un joyeux contour de ce qu’elle laisse deviner !

Mon avis : Pour une fois, je n’arrive pas vraiment à avoir d’avis, il est tantôt bon, tantôt mauvais … J’avoue que j’adorais l’idée avant d’ouvrir le livre, je me suis même demandée pourquoi personne n’avait jamais pensé à la développer avant ! Mais j’avais tout de même une petite appréhension de la voir traitée par cet auteur …  !

Dès les 1ères pages j’oscillais entre « punaise, c’est nul » et « mouais pourquoi pas, cette idée est bonne »…

En fait, je me demande si c’est un écrit personnel, si ces idées avancées reflètent les opinions religieuses de l’auteur, parce que c’est sacrément loin de ce que l’Eglise nous vend depuis des siècles !! Jésus était amoureux de Marie Madeleine, au final il n’avait aucun « contact » avec son père même après sa mort, il n’est quasi pas plus avancé que nous sur son existence, n’avait pas tant d’amour pour les hommes, pas plus pour lui même d’ailleurs, critique pas mal, juge aussi… Est un homme comme les autres, que sa mission gonfle comme le boulot gonfle le fonctionnaire en gros ! Mais comme on sait aussi que l’Eglise a beaucoup réécrit l’Histoire dans les premiers siècles, a sélectionné les meilleurs passages, que les évangélistes ont enjolivé quelque peu également, on se dit qu’au final personne ne saura jamais qui était vraiment Jésus, quel était vraiment son caractère. Je ne sais plus quel écrivain avait écrit, Jésus, le Dieu qui riait, en partant du principe qu’il ne se marrait jamais dans les évangiles, et qu’il semblait toujours sérieux, mais que ça ne devait pas être le cas du tout, eh bien là c’est un peu le même principe de base, à savoir, pouvoir percevoir l’Histoire par un autre bout de la lorgnette, offrir une réinterprétation possible … Et sur ce type de sujet, il y a quasiment autant d’interprétation que d’humains, c’est l’avantage !!

En revanche, ce qui gâche vraiment le récit, c’est qu’il y a une redondance assez insupportable, un peu comme dans mes dissertes d’autrefois : quand j’étais contente d’avoir trouvé une idée, je revenais 40 fois dessus  … Là c’est, entre autres, le phénomène de la soif (bon, c’est vrai que c’est un peu le titre du livre, donc on sent qu’elle aime cette comparaison !)… On tourne en rond, on avait bien compris le principe en quelques phrases, là ça tourne ça tourne, ça s’éloigne, ça revient, ça repart, et ça revient, comme une chanson populaire ! Comme si c’était la seule bonne idée du livre, donnant en prime une illusion de livre philosophique, mais assez creux au final … 

Pour résumer :

  • Une idée originale et prometteuse : le Christ nous raconte ses derniers jours.
  • Quelques bonnes idées, mais un portrait assez noir du bonhomme. Il fait le job demandé par papa, mais sans beaucoup plus d’entrain.
  • Il manque peut être une préface avec l’intention de départ de l’auteur pour donner une profondeur à tout ça.
  • A le seul mérite d’ouvrir une perspective et de s’interroger sur ce que pensait vraiment le personnage du Christ en traversant sa vie…
  • 150 pages, beaucoup d’espaces, police assez grande, donc ça se lit très très vite. Pour la modique somme de 18€, donc à prendre à la bibliothèque si vraiment vous le lisez !

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